Les produits de santé : détermination du régime de responsabilité – CABINET MOLTENI

Les produits de santé : détermination du régime de responsabilité – CABINET MOLTENI

Publié le : 21/11/2025 21 novembre nov. 11 2025

Lorsqu’un patient subit un préjudice lié à un médicament, un dispositif médical ou un autre produit de santé, les questions de responsabilité et d’indemnisation peuvent être complexes. Le cabinet de Maître Félix Molteni vous accompagne pour déterminer le responsable, constituer votre dossier et obtenir une réparation adaptée à votre situation.

LA DEFINITION D’UN PRODUIT DE SANTE

Un produit de santé peut être un médicament, défini à l’article L.5111-1 du CSP comme une substance présentée comme ayant des propriétés curatives ou préventives (médicament par présentation) ou destinée à restaurer, corriger ou modifier des fonctions physiologiques (médicament par fonction). Il peut aussi s’agir d’un dispositif médical, au sens de l’article L.5211-1 du CSP, c’est-à-dire un produit utilisé chez l’Homme à des fins médicales.

QUELS REPONSABLES ?

Les producteurs : la responsabilité des produits défectueux ( article 1245 et suivant du code civil)

La responsabilité du producteur repose sur le régime des produits défectueux, une responsabilité sans faute.

Un produit est considéré comme défectueux selon l’article 1245-8 du Code civil lorsqu’il ne présente pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre. On distingue :
  • La défectuosité intrinsèque : liée au produit lui-même.
  • La défectuosité extrinsèque : liée à l’information fournie au consommateur (notice, avertissements)
En pratique, si un effet indésirable est prévu et mentionné dans la notice, le producteur pourra se défendre plus facilement ; Inversement, un effet indésirable grave non mentionné peut entrainer la défectuosité du produit, mais il faudra prouver le lien de causalité avec le dommage subi.

Les délais sont courts : 3 ans à compter de la consolidation du dommage, dans un délais butoir de 10ans après la mise en circulation du produit. Ces délais peuvent poser problème dans :
  • L’errance diagnostique : il va falloir des années avant que la victime imagine qu’il y ait un lien entre le dommage et le produit de santé ( effet indésirable grave rarissime)
  • Les effets tératogènes : Les effets tératogènes lorsqu’une femme enceinte prend un traitement et que ce traitement a un effet indésirable non pas sur elle mais sur l’enfant qu’elle porte. Parfois il faut attendre des années pour que cet effet indésirable apparaisse, dans ce cas-là, le délais butoir va empêcher l’enfant d’agir.
Même si la victime arrive à prouver, il reste un dernier obstacle : L’article 1245-10 porte sur le risque de développement. Le producteur peut échapper à toute responsabilité s’il démontre qu’au moment où il a mis le produit en circulation l’état des connaissances scientifiques ne lui permettait pas de déceler le défaut (=> Le producteur peut échapper à toute responsabilité s’il démontre que les essais cliniques n’ont pas mis en évidence l’effet indésirable de son traitement.)

Pour contourner les limites du régime sans faute, les avocats privilégient souvent la faute de droit commun (articles 1240-1241 Ccivil, L1242-1 CSP). Toutefois, les articles 1245 étant d’application exclusive, il faut démontrer une faute détachable de la défectuosité. Avant 2023, un défaut d’information du producteur ne pouvait pas être qualifié de faute détachable. La jurisprudence a évolué avec l’affaire du Médiator (Cass. 1re civ., 15 nov. 2023 n°20.21.174[1],,20.21.178[2], 20.21.180[3]), où la Cour de cassation a admis que le producteur ayant manqué à son devoir d’information pouvait engager sa responsabilité même après la prescription de la responsabilité sans faute, soit 10 ans à compter de la consolidation, voire 20 ans si la victime n’a pas pu agir plus tôt.

Les utilisateurs : professionnels et établissement de santé :

Les utilisateurs ne relèvent pas du champ d’application de la responsabilité des produits défectueux, ni assimilés à des producteurs et qu’ils ne sont pas non plus des fournisseurs puisque leur activité principale n’étant pas la commercialisation de produits de santé.

Le Conseil d’état a saisi la CJUE d’une question préjudicielle, laquelle a confirmé le 21 décembre 2011, que les utilisateurs ne sont pas visés par le champ d’application de la directive. En conséquence, le Conseil d’État a conclu qu’aucune disposition du droit français ne fait obstacle à la responsabilité des utilisateurs. Il a donc décidé de maintenir la jurisprudence constante issue de l’arrêt Marzouk[4], selon laquelle l’hôpital est responsable sans faute du fait matériel qu’il exerce en utilisant le produit.

Du côté de la Cour de cassation, pour les cliniques et les praticiens libéraux, le raisonnement de départ est similaire : le praticien ne peut être considéré comme un producteur au sens de la responsabilité des produits défectueux.
Cependant, la Cour applique l’article L.1142‑1 du Code de la santé publique (CSP), qui énonce que, en matière de responsabilité médicale, le principe général est la responsabilité pour faute, sauf exceptions prévues pour les infections nosocomiales et les produits de santé.

L’article L.1142‑1 vise spécifiquement la défectuosité des produits de santé, c’est-à-dire la responsabilité du producteur. En conséquence, la Cour de cassation conclut qu’en l’absence de telles exceptions, c’est le principe de la responsabilité pour faute qui doit s’appliquer.

Les prescripteurs : une responsabilité pour faute :

Il convient de préciser que le simple fait qu’un dommage survienne à la suite d’un traitement ne suffit pas à caractériser une faute.

La prescription médicale sera appréciée en tant que telle : un expert devra vérifier qu’elle a été réalisée conformément aux bonnes pratiques, aux données acquises de la science (DAS), aux recommandations de la HAS, ainsi qu’au rapport bénéfice/risque.

L’ONIAM : le débiteur subsidiaire :

L’ONIAM (OFFICE NATIONALE D’INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX) joue le rôle de débiteur subsidiaire : il peut être amené à indemniser la victime lorsqu’aucun responsable direct n’est identifié ou d’un aléa thérapeutique.

Ce mécanisme intervient notamment lorsque le produit en cause n’est pas défectueux et qu’aucune faute n’est imputable à la prescription. L’ONIAM n’intervient que si les critères de l’article L.1142‑1 du Code de la santé publique sont remplis, c’est-à-dire en présence d’un dommage grave et d’un accident aux conséquences anormales.

Critère de gravité :

L’indemnisation par l’ONIAM est strictement limitée aux dommages graves. Selon l’article D.1142‑1 CSP, un dommage est considéré comme grave si l’un des critères suivants est rempli :
  • Déficit fonctionnel permanent (DFP) ≥ 25 % ;
  • Arrêt de travail ≥ 6 mois (continu ou discontinu sur 1 an) ;
  • Déficit fonctionnel temporaire (DFT) ≥ 50 % sur 6 mois (continu ou discontinu sur 1 an) ;
  • Cas exceptionnels : seuil de gravité atteint si la victime est définitivement inapte à son activité professionnelle ou présente des troubles particulièrement graves dans ses conditions d’existence, y compris économiques (CA Douai, 8 mars 2012, n°11-03020).[5]

Critère de l’anormalité :

Selon l’article L.1142‑1 II CSP, l’accident médical doit avoir des conséquences anormales par rapport à l’état de santé initial du patient et à l’évolution prévisible.
 
  • L’état du patient est plus grave que celui qui aurait résulté d’une abstention thérapeutique.
  • L’état n’est pas notablement plus grave, les complications sont indemnisables si elles sont exceptionnelles, fréquence inférieur à 5 %.
  • Lorsque le patient se retrouve immédiatement dans l’état qu’il aurait pu atteindre à moyen terme sans intervention, cet état est considéré comme notablement plus grave, même si le risque statistique de la complication est supérieur à 5 %.

L’état : rôle et manquement aux obligation de vigilance

L’État est responsable du matériel médical et de la pharmacovigilance. Concernant les médicaments, ceux-ci ne peuvent pas être librement mis sur le marché : ils doivent obtenir une Autorisation de Mise sur le Marché (AMM)délivrée par une agence étatique.

Il arrive parfois que l’État, malgré le caractère dangereux d’un médicament, fasse preuve d’un manque de réactivité pour retirer ou suspendre l’AMM, ce qui peut engager sa responsabilité.
  • Affaire du Médiator : malgré des alertes sur la dangerosité du médicament, l’AMM n’a été retirée qu’en 2009, exposant des millions de patients. L’État a été partiellement reconnu responsable pour ce retard.
  • Affaire des prothèses PIP : La société PIP a fabriqué des prothèses mammaires non conformes aux normes sanitaires. L’état n’a pas été reconnu responsable car l’agence n’avait aucun moyen de déceler la dangerosité. A contrario, le bureau de certification a été reconnu fautif, car il annonçait ses visites à la société PIP et entretenait des flux financiers avec la société, tandis que les comptes de PIP montraient clairement l’achat de produits inadaptés.

Les produits de santé peuvent entraîner des préjudices graves et complexes. La détermination du responsable et le choix du régime juridique applicable sont essentiels pour obtenir réparation. Le cabinet de Maître Félix Molteni vous accompagne pour identifier le ou les responsables, préparer le dossier et obtenir l’indemnisation due.
 
[1] Cass. 1re civ., 15 nov. 2003, n°20.21.174,
[2] Cass. 1re civ., 15 nov. 2003 n°20.21.178,
[3] Cass. 1re civ., 15 nov. 2003 n°20.21.180
[4] CE , 9 juil. 2003. N°220437
[5] CA Douai, 8 mars 2012, n°11-03020).
 

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